Race carnica en Suisse

Voici un échange avec Dr Charles Maquelin datant de 2016 au sujet des débuts de la carnica en Suisse. Je lui demandais quelle était l’origine des lignées de base de la SAR, jusqu’à quand une première génération en consanguinité avait été préconisée et quel rôle avait Henri Renson dans les lignées romandes. 

Extraits choisis de sa réponse:

Début: années 50, deux noms: Ruckstuhl (Genève) station Vermeilley, Hans Schneider (liebefeld) station La Berra
 
Années 60: le président SAR Robert Bovey demande l’aide de la confédération pour améliorer la situation en apiculture
 
Il obtient la création des groupes de conseillers apicoles et moniteurs-éleveurs subsidiés par la confédération et les cantons.
 
Dès 1962 mise en place du groupe ME et de la CE SAR par Bovey et Schneider
 
Première tâche : essai comparatif au rucher du Liebefeld à Plagne des trois races car, mel, ligust.
 
Suite à l’essai : décision de la CE SAR de se concentrer uniquement sur la carnica (obligation pour les ME)
 
Le matériel génétique de départ provient des lignées que Schneider sélectionnait déjà avec son père dans leur ruchers privés
 
La lignée B20 provient de la ruche 20 du rucher Bündte de H. Schneider elle était exceptionnelle et a eu des descendantes exceptionnelles aussi dans les ruches 4, 13 et 30 d’où les lignées qui existent encore aujourd’hui   B20/4, B20/13 et B20/30
 
Le groupe d’apiculteurs bernois qui travaillaient déjà avec Schneider ont reçu le couvain de la B20 directement et pas des trois filles que Schneider a données aux romands
 
Pendant 20 ans Schneider a fourni aux ME environ tous les deux ans une nouvelle lignée qu’il avait sélectionnée dans son rucher et qui était mise d’abord comme ruche à mâles à Bonatchiesse, la station que les ME valaisans avaient créée. Cette bonne dizaine de lignées provenant des Balkans forme le socle de nos anciennes lignées.
 
La CE SAR ni Schneider n’ont jamais recommandé l’élevage en consanguinité mais il est possible que le groupe fribourgeois sous la direction d’Henri Macherel l’ait fait.  Quand j’ai pris la succession de Schneider j’ai commencé par créer un registre général des reines de sélection des ME qui n’existait pas encore. Certains ME vaudois neuchâtelois et valaisans avait des notes précises qui ont permis d’établir une filiation. Chez les fribourgeois la situation n’était pas claire. Ils avaient reçu du couvain de B20/4 et avaient toujours maintenu cette lignée. N’ayant pas pu obtenir plus de renseignement j’ai donné le nom de B20FR à ces reines fribourgeoises.
 
Henri Renson était totalement inconnu en Suisse romande jusqu’en 1989 où il est venu en vacances en Valais et a fait la connaissance de Fernand Métrailler.
 
Comme beaucoup de ME pensaient à cette époque qu’il fallait introduire du sang neuf on a fait venir passablement de reines de Renson pendant plusieurs années. Très peu se sont avérées adaptées à nos conditions et la majorité ont été abandonnées.
 
D’autres importations venant d’Autriche ou du Tirol du sud ont mieux réussi leur acclimatation chez nous.
 
Les lignées de Renson nous ont apporté certaines qualité mais aussi des défauts. Le croisement avec les anciennes lignées a fait réapparaître une agressivité indésirable. Les fortes pertes de reines que nous avons dû subir ces dix dernières années ont fait que chez certains éleveurs la sélection n’a pas pu être aussi stricte qu’elle aurait dû l’être. Il faut revenir maintenant à des exigences plus sévères pour retrouver les qualités qu’avaient les anciennes lignées. Par pitié, pas de nouveaux apports ! Il faut d’abord sortir le meilleur de la diversité qu’on a dans nos ruchers.
 
Nous ne pourrons pas faire de l’apiculture avec uniquement des reines testées. Leur nombre est trop faible et nous ne devons pas risquer de tomber dans la consanguinité en nous concentrant sur un trop petit nombre d’origines. Il nous faut maintenir tout le pool génétique que nous avons et reprendre sur lui le travail de sélection au niveau du moniteur. Au fil des années toute cette diversité passera par les testages à l’aveugle aussi mais après une présélection par un ME.
 
Maintenant que les choses se tassent, que les testages ont atteint un certain stade de routine, que l’on est moins stressé on peut reprendre notre objectif de 2007 dans les ruchers : « Améliorer les résultats de mesures morphologiques ainsi que la douceur. » 
 
Pour cela il faut redonner son importance au travail de sélection chez le moniteur, refaire des journées de pointage en groupe pour que les plus jeunes sachent ce qu’ils doivent se fixer comme but, élever des groupes de soeurs assez grands pour pouvoir rechercher la meilleure de 10 ou 12 reines et pas seulement de 3.

Commentaires:

Pour moi qui suis passé maintenant à l’élevage par combinaisons, j’ai encore plus de peine à appeler la B20/4 par son prénom, parce que quand même, que reste-t-il de sa génétique? on pourrait rétorquer: rien et un peu tout à la fois. 

Comme Sklenar, Wriesnig et Peschetz, la CE SAR est partie d’une colonie exceptionnelle, la fameuse B20.

On remarque bien l’importance de la station de Bonatchiesse; j’avais cru que les stations A avaient eu une contribution plus équivalente. Je me souviens d’Hilaire Besse racontant comme il recevait du couvain par la poste, averti au dernier moment par le Dr Schneider.  

Une fois de plus et comme dans pas mal de domaines, il y a un peu des zones d’ombres et d’inconnues avec les fribourgeois qui ont abouti à un compromis moitié/moitié.

Il serait intéressant de discuter du calcul de consanguinité, car en effet on a une valeur, pas une vérité. 

Un ami français m’a une fois fait part de toute son admiration de la longévité de la CE SAR, peu d’Associations d’élevage ont maintenu un cap si fidèlement et dans une durée remarquable. Il me semble cependant qu’une modernisation des pratiques serait une bonne chose pour les ME d’aujourd’hui, et surtout de demain. 

 

station des Toules
Dépôt de mes ruchettes à la station des Toules (VS) en juin 2007.